Le politologue Salathiel Muntunutwiwe analyse l'action de CIRAMUNDA

Brève rencontre avec Salathiel Muntunutwiwe, politologue:
«C’est une stratégie de visibilité politique »

SMuntunutwiweAprès que Richard Delvaux Ciramunda ait déclaré être à la tête d’une « rébellion » en gestation, le politologue Salathiel Muntunutwiwe craint qu’il ne soit qu’un instrument d’un autre groupe qui ne veut pas se dévoiler.

Au moment où M. Delvaux confirme la paternité de cette rébellion, le gouvernement nie l’existence de celle-ci. Peut-on parler de contradiction ?
C’est tout à fait normal. Un gouvernement ne peut pas confirmer sa faiblesse. La naissance d’une rébellion ou des groupes armés signifie que le pouvoir est incapable de résoudre des problèmes sociopolitiques. Par conséquent, cela reviendrait à donner raison aux groupes en gestation.

Politiquement, quelle est la signification de cette déclaration ?
En déclarant qu’il est l’auteur de cette rébellion, Richard Delvaux même si sa personnalité n’est pas connue, permet à l’opinion nationale et internationale d’identifier le responsable. Il reconnaît qu’il y a une rébellion et non des bandes armées. Donc, c’est une confirmation des rumeurs et de l’inquiétude de certains Burundais. Politiquement, cette déclaration est une stratégie de visibilité de son auteur et de ses alliés parce qu’il ne peut pas combattre seul. Cette visibilité politique sera structurée par l’idéologie avancée.

Son ancien parti, le Parena, l’a déjà désavoué. Selon vous, pour qui travaillerait-il ?
Les contestataires du pouvoir ne sont pas seulement les militants des partis politiques. Il y a des indépendants qui peuvent se constituer en groupe et moyennant de l’argent, peuvent former une rébellion. Les partis politiques d’une manière générale n’ont pas le droit de former une branche armée, leur lutte est pacifique. Mais cela n’empêche pas que certains de leurs membres soient séduits et adhèrent ailleurs.

Est-ce que cette revendication de M. Ciramunda peut avoir des effets ?
Cela dépend du contexte politique et du public cible. S’il s’adresse à un public convaincu que pour résoudre les problèmes burundais, il faut absolument passer par la rébellion, il peut réussir. Avec l’hésitation du gouvernement à donner un message clair sur ce qui se passe au pays, il y a des gens qui peuvent facilement suivre M. Ciramunda.

Comment concrètement ?
Quand par exemple le ministre de la Sécurité publique déclare qu’actuellement, il est pratiquement impossible de créer une rébellion, est-ce que cela rassure ou tout au moins suffit pour convaincre le peuple burundais ? Je doute. Toutefois, je crains que M. Delvaux Ciramunda ne soit qu’un instrument d’un autre groupe qui ne veut pas se dévoiler.

Quelles seraient les conséquences sur le plan international ?
La situation politique étant dynamique, la Communauté internationale pourrait constater que la gestion du pays est chaotique. De part l’expérience, cette Communauté n’hésiterait pas à financer les rebelles malgré la légitimité du pouvoir car il n’y a pas de légitimité qui ne défende pas les intérêts du pays.